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Mémorial

Dans le cadre des aménagements du parc de l’hôtel de Ville, dans les années 2000, la Ville de Magny-les-Hameaux a souhaité passer commande d’un mémorial auprès d’un artiste, après consultation de plusieurs concepteurs.

Commémoration 11 novembre 1919

Implantée en vis à vis du parvis de la mairie, à l’entrée du parc, cette œuvre d’art devra être pensée spécifiquement pour ce lieu en tenant compte des circulations, de l’architecture paysagère et du contexte urbain proches.

De plus, l’œuvre devra témoigner de l’identité de Magny Les Hameaux, dans un environnement naturel très fortement présent.

La vocation même de ce mémorial appelle une réelle adhésion des habitants à l’œuvre qui sera réalisée. Cette appropriation demande une concertation préalable avec les représentants des associations concernées ainsi qu’une médiation publique avant et pendant le projet.

A Magny-les-Hameaux, l’histoire donne matière à la mémoire. La ville a toujours su être attentive à son patrimoine : elle entreprend la restauration de son église à Magny village, le classement de la Maison des Bonheur et participe activement à la mise en place du projet du Grand Port Royal.

Aujourd’hui la municipalité envisage la création d’un mémorial dans le cadre d’une commande d’art public. Avec le nouvel emplacement de l’hôtel de ville au centre bourg il est important de réfléchir à la création d’un monument commémoratif centralisé. Actuellement les plaques commémoratives sont situées dans différents hameaux et ne permettent pas un rassemblement collectif.

Projet ambitieux s’il en est car la ville s’engage sur un travail de mémoire, et ravive les traces du passé pour les tourner vers un avenir meilleur.

En effet, Ce mémorial qui trouve son inspiration dans les grands conflits du siècle dernier doit prendre racines au cœur de la ville pour devenir un lieu porteur de paix et de liberté. Celui-ci devra être un prolongement du nouvel hôtel de ville. Intégré dans un parc urbain, il représentera un espace clairement et proportionnellement défini comme un point de liaison avec le parvis de l’hôtel de ville.

Ce projet d’art public représente un enjeu important pour la municipalité et je souhaite vivement y associer le plus grand nombre de citoyens.

Nous devons mettre tout en place afin que cette œuvre puisse être appropriée par les habitants, les associations, les jeunes et les moins jeunes…

 

Extrait vidéo d’une interview de Marie-Ange Guilleminot

Mémorial

Réalisé par Alain Ricco et produit par 1+1 Production et TV Fil 78

Infos pratiques

Le projet de Marie-Ange Guilleminot, inauguré le 312 mai 2005

Propos recueillis par le service communication de la ville de Magny-les-Hameaux auprès de Marie-Anges Guilleminot.

Le lieu de mémoire aura pour mission de garder la mémoire du terrible, en même temps que de témoigner de la générosité et de l'espoir qui transparaissent dans ce Lieu.

Situé sur un chemin emprunté quotidiennement par une partie de la population, il devra être compréhensible par tout le monde.

Ce Lieu, vu en permanence, sera un lieu à "habiter", un lieu que l'on s'approprie physiquement. Un lieu de "passeur de mémoire".

Le caractère solennel de ce Lieu devra enfin être une évidence.

Suite à notre rencontre, je me suis interrogée sur la manière de "commémorer" aujourd'hui et sur l’importance du rituel dans toute commémoration. Nourrie de mon expérience au Monument pour la paix à Hiroshima, j’ai pris conscience que la notion d'entretien au sens large du terme était à prendre en considération : entre-tenir, s'entretenir, entretenir une mémoire. Tout cela a une importance majeure pour moi.

Souvent, lorsque je considère les commandes publiques, qu’elles soient de nature sculpturale ou d’autre type de monumentalité, je me dis qu'elles ont du mal à exister justement dans l'espace. Cette réflexion m'a poussé à développer non pas la construction d’un "objet" Lieu de mémoire, mais plutôt de trouver une logique de transmission en rapport à la mémoire.

J’ai conçu ce projet en prenant en compte à la fois vos souhaits et la cohérence de mon travail antérieur. Je l’ai conçu en deux parties :

  • à l’extérieur (un arbre et une surface-rencontre) ,
  • à l’intérieur d’un bâtiment municipal (un livre sans fin).

L’arbre

Quand je suis allée au Japon, j'ai été impressionnée par les arbres. Ceux qui ont repoussé à Hiroshima après la bombe sont des Ginkgos. Le Ginkgo, dont le nom est une adaptation de gin-kyo (en chinois yin-kuo, "abricot d'argent"), désignait autrefois au Japon l’un des arbres les plus singuliers qui soit. C'est en effet un fossile vivant qui a disparu aujourd’hui à l'état sauvage. Vieux de quelques 160 millions d'années et considéré comme un arbre relique, cet arbre n'a probablement survécu que grâce aux soins de prêtres bouddhistes qui, dès le Xe siècle, le cultivaient dans les bois sacrés qui entouraient les temples.

Selon la légende, en 1778, un riche amateur de Montpellier, M. de Pétigny, aurait acquis en Angleterre le premier Ginkgo planté en France, pour la somme fabuleuse de quarante écus. De là provient le nom longtemps porté par le Ginkgo en France d'arbre aux quarante écus. Le Ginkgo est assez répandu comme arbre d'ornement dans les villes. Il l'est même chaque jour davantage car, s'il a besoin d'un sol profond, il est peu sensible à la pollution de l'air et l'assainit.

En Asie, le Ginkgo peut atteindre un âge tout à fait canonique. Celui de Sendai, au Japon, dont le tronc fait plus de 20 mètres de circonférence, aurait douze siècles. Certains Ginkgos chinois de la province du Tchekiang, dans l' Est de la Chine, passent pour avoir dépassé 2000 ans. Ceux qui vivent en France ne peuvent guère avoir plus de deux siècles. On en trouve cependant de très beaux exemplaires qui atteignent déjà 30 mètres de haut. Celui de Montpellier, planté en 1778, serait le doyen des Ginkgos français. A Hiroshima, c'est le seul arbre qui a résisté à l'agression atomique. Certains arbres sont à ce titre vénérés et portent de petites plaques qui commémorent leur existence d’avant la bombe.

Je souhaite planter un Ginkgo pour le Lieu de mémoire de Magny-les-Hameaux.

Un arbre est quelque chose qui pousse, grandit, meurt, se replante et continue malgré l’adversité à pousser… Autant d’actions qui résonnent avec le sens d’une commémoration. Se réunir autour d'un arbre est une expérience symboliquement et historiquement très riche.

Mon désir est de planter un ginkgo le jour même de la commémoration. Ce seront les enfants qui planteront cet arbre.

La longévité du Ginkgo, sa résistance au mal (irradiation nucléaire à Hiroshima, pollution urbaine), les grandes vertus curatives de cet arbre très utilisé en médecine, tout cela prend une signification forte dans le contexte de Magny-les-Hameaux.

Au-delà du rituel, ce qui me touche particulièrement dans le Ginkgo envisagé comme élément structurant du Lieu de mémoire, c'est qu'il incarne un monument non-monument, un monument qui est naturel et libre mais qui a besoin de l’entretien, de soins, d’attentions. Il incarne par ce fait même la nécessité d'une mémoire.

Car d'évidence, le monument, c'est nous.

Au Japon, il existe des arbres à souhaits. Ces arbres sont repérables aux petites plaques posées dessus. Les passants accrochent à leurs branches de fines bandelettes de papier sur lesquelles ils ont inscrit leurs souhaits, leurs espoirs.

Je relie cette pratique spontanée et libre à mon intuition du monument. Ce qui m'a le plus touchée, face au Monument pour la Paix à Hiroshima, c'est qu'il n'a pas été question de faire une commande pour un lieu commémoratif. Spontanément, du fait de la douleur qu'a représenté la perte d'un de leur camarade d'école, les enfants d'Hiroshima sont aller déposer Place de la Paix des guirlandes de papiers pliés en forme d'oiseaux. Leur acte simple et généreux est devenu un monument porteur de la force d’un geste collectif.

Une surface-rencontre

Parallèlement, j'ai développé l'idée d'une Surface-Rencontre, qui ponctuera et guidera l'accès au Ginkgo.

Il s'agira en fait d'un double espace :

Un premier espace de 25 m x 28 m sera matérialisé au sol par un premier matériau : j'aimerais que le contact avec la terre soit direct, physique, évident. Je pense employer à cet effet du sable tassé, il tranchera avec le parvis de pierre de l'Hôtel de Ville et sa nature relativement meuble permettra d'accueillir une partie d’un tracé géométrique euclidien qui sera retracé lors du jour commémoratif.

Au centre de ce rectangle de 25 m x 28 m, j'insère un carré de 6 m de côté, matérialisé par un autre matériau : une surface de pierre. J'imagine cette pierre en harmonie chromatique avec la terre sableuse qui l'entoure. Cette pierre sera enfoncée dans le sol, affleurant à peine. Elle sera proche du Ginkgo, à l'automne les feuilles dorées de l'arbre viendront en éclairer la surface.

Sur la pierre sera gravée trois informations :

  • Les dates des trois conflits commémorés. (1914-1918, 1939-1945, 1952-1962)
  • Une partie du tracé du Carré d'Euclide (cf. descriptif ci-joint). Ce tracé a inspiré à l'architecte Buckminster Fuller une réflexion critique qui met en évidence certains liens entre le système euclidien et la physique atomique (cf. l’extrait de la lettre de Buckminster Fuller à Einstein).À travers cette forme géométrique, c'est la notion du cheminement qui m'intéresse. Cheminements physique et intellectuel que chaque personne contemplant cette figure ou la retraçant le jour de la Commémoration doit effectuer intimement. Cette présence géométrique a une aussi fonction structurante au sein du Lieu de mémoire. Elle assure la partie active, à la fois physique et réflexive, du rituel mémorial. Le Carré central, gravé dans le pavement de pierre, impose esthétiquement sa précision mathématique. Dans un sens, il rejoint l'origami japonais, dans son format comme dans ses plis. La rigueur géométrique s'apparente à la gestuelle très précise qui permet de plier l'origami. À mes yeux, cette précision presque autoritaire travaille contre l'oubli. Dans son attachement à revenir au schème originel, elle incarne une forme forte de perpétuation de la mémoire.
  • Pour faciliter le retraçage d’une partie de la figure euclidienne à réaliser lors de chaque commémoration, je concevrai un système de marques indiquant les points nécessaires à la composition du tracé. Ces indications seront gravées dans la partie centrale de la figure euclidienne, sur le dallage de pierre.

Si l'on s'éloigne de cette composition, on constate que tout est au sol, seul l'arbre impose sa présence verticale. Pour cerner davantage l'espace et lui conférer un caractère plus intime, une double rangée de végétation légère viendra encadrer l'espace du Lieu de mémoire.

L'idée d'une double rangée végétale se justifie de la façon suivante : la rangée extérieure ménagerait une entrée/sortie côté Hôtel de Ville, une autre côté Jardin. Par ailleurs, je prévois éventuellement une sortie côté habitations.

La haie intérieure sera quant à elle percée de plusieurs ouvertures, disposées en quinconce par rapport aux accès extérieurs, elles permettront d'accéder au centre. Ainsi, le promeneur prendra conscience progressivement de l'existence du Lieu de mémoire, tout en n'ayant pas une vue directe sur l'espace au sol.

Les dimensions de cet encadrement végétal sont les suivantes : 0,50 m d'épaisseur de haie, 1 m de passage, et à nouveau 0,50 m de haie.

Enfin, disposés dans la partie intérieure de cette limite végétale, j'aimerais placer plusieurs bancs orientés vers le centre du Lieu de mémoire.

Un livre sans fin

Le projet du Lieu de mémoire tel que je le conçois existe aussi à travers un objet emblématique de la mémoire de l’occident, le livre. Espace intime, il fera perdurer à jamais sous une forme vivante le nom de ceux qui ont disparu.

La pratique du pliage (origami japonais, par exemple) et de l'écriture des vœux offerts à l'arbre à souhaits m’ont conduit à l'idée de ce livre.

En effet, j'aimerais concevoir un Livre pour le Lieu de mémoire de Magny-les-Hameaux. Dans ce livre figureraient les noms des morts, déportés et victimes civiles magnycois. C’est à mes yeux une façon de mettre en avant l'identité de ces femmes et de ces hommes avant toute chose, et non le particularisme des conflits.

Mon projet serait d'impliquer, de responsabiliser les enfants magnycois pour écrire ces noms. En concertation avec les enseignants, ce projet concernera de nouvelles classes chaque année.

Chaque enfant écrira le nom d'une personne disparue, l'accompagnera éventuellement de dessins, de couleurs. L'ensemble de ces réalisations constituera chaque année une nouvelle édition qui sera l'objet relié et que les enfants remettront aux adultes le jour de la commémoration devant le ginkgo. Les adultes en feront alors la lecture à haute voix.

Là encore, l'idée du cérémonial actif et qui exige d'être perpétuellement réactivé est directrice. En corollaire, l'idée de la transmission s'affirme sur une double portée : Appropriation d'une mémoire, réinvestie année après année, transmission d'un objet incarnant cette mémoire d'une jeune génération à une génération adulte.

Plutôt que d'imposer un concept de livre défini a priori, j'aimerais proposer une journée de travail en atelier pour définir, avec les enfants et leurs enseignants, la forme adéquate aux yeux de l’ensemble des partenaires de cette création. L'énergie créatrice est ici collective. A l'issue de cette journée, je proposerai un cahier des charges ou livre-prototype utiles pour la fabrication des livres.

Ces livres seront exposés dans un lieu public qui reste encore à préciser : dans l'idéal, une salle prévue à cet effet au sein de l'Hôtel de Ville de Magny, ou un espace plus modeste (vitrine ou bibliothèque visibles dans la partie de l'Hôtel de Ville ouverte au public).

Enfin, je souhaite que ces livres soient visibles sur le site Internet de l'Hôtel de Ville de Magny.